Oxymètres de pouls
Utilisation d’un oxymètre de pouls : pas si simple
Dans un article publié par la revue Médicale Suisse, les docteurs Dany Baud et Nicolas Postel-Vinay détaillent les avantages et les limites de l’utilisation des oxymètres de pouls (appelés encore saturomètres) par les patients ou les professionnels. En deux mots, l’appareil est simple à utiliser mais il est difficile, voire impossible, d’interpréter le résultat affiché sans connaitre précisément la situation du patient. Voici quelques extraits publiés ici avec la permission de l’éditeur.
« D’abord utilisés aux blocs opératoires et en salles de réveil, les oxymètres de pouls occupent, aujourd’hui, une place incontournable dans la pathologie pulmonaire surtout à l’hôpital, mais aussi désormais à domicile. Si le maniement du dispositif ne pose pas de grandes difficultés, en revanche, la véritable question est de préciser ce qu’un utilisateur non professionnel (patient, famille, aidant) peut faire des résultats. (…). À quelles conditions l’automesure de la SpO2 peut-elle permettre à un patient d’évaluer l’évolution et la gravité de sa situation, puis de réagir en conséquence (par exemple, consulter ou appeler un service d’urgences) ? L’enjeu est d’apprendre au patient à utiliser cette mesure afin d’améliorer sa propre prise en charge.
(…) Les résultats de l’oxymétrie ne peuvent pas être interprétés sans prise en compte de la nature de la pathologie du patient et du contexte clinique. En omettant ces réserves, trop de publicités accompagnant les ventes d’oxymètres véhiculent une trompeuse notion de simplicité.
En pratique, un résultat normal écarte une hypoxémie
Le principal message pour un patient est qu’un résultat normal de saturométrie permet d’écarter une hypoxémie (un peu comme un thermomètre à infrarouge sans contact permet d’écarter une fièvre). À cette étape, la lecture du résultat est binaire : soit la SpO2 est normale (≥ 95 %), soit elle ne l’est pas (car inférieure à cette valeur). Patients et aidants doivent être avertis que l’interprétation des valeurs basses et donc les choix de conduite à tenir, peuvent parfois se révéler complexes. Pour ce qui est des messages simples — voire simplistes —, on peut indiquer au patient ; qu’il est parfois opportun de vérifier l’évolution des variations dans le temps (à quelques dizaines de minutes ou heure d’intervalle); qu’il est utile deconnaître sa valeur « habituelle » à titre de référence.
Covid : la surveillance de la SpO2 est utile et faisable au domicile
En cas de Covid, la plupart des patients atteints de forme pneumonique grave ne ressentent pas initialement d’essoufflement. (…) Une autosurveillance oxymétrique des patients Covid ou suspects de Covid au sortir des services d’urgences et ne nécessitant pas une hospitalisation permet de dépister ceux qui devront l’être dans un deuxième temps. La mesure peut être réalisée par le patient (automesure) ou par des intervenants au domicile, avec connexion parfois à des plateformes de télémédecine. Le service médical rendu de la surveillance de l’oxymétrie dans la pneumopathie Covid est majeur.
Asthme : ne pas se tromper d’outil d’automesure. Le patient ne doit pas se tromper de mesure : l’appareil d’autosurveillance de l’asthme est d’abord le peak-flow (mesure du débit de pointe) et on ne recommande pas l’usage d’un oxymètre aux asthmatiques.
BPCO : des valeurs isolées de SpO2 potentiellement trompeuses.
L’automesure de la SpO2 par un patient souffrant de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est potentiellement trompeuse car sa valeur n’est pas nécessaire pour identifier une exacerbation, ni en définir seule sa gravité potentielle.
Quelles tâches et compétences confier au patient ?
Les réserves faites plus haut montrent les difficultés à transcrire les connaissances, la mesure et l’interprétation de la SpO2 en objectifs pédagogiques à atteindre pour un patient porteur d’une maladie respiratoire chronique (avec ou sans oxygénothérapie). Rappelons ici que tout objectif d’éducation thérapeutique doit être réaliste, cliniquement pertinent et sûr ; c’est-à-dire sans ambiguïté et sans conséquence néfaste possible. Devant ces difficultés, la communication depuis le domicile d’un résultat d’oxymétrie à un professionnel via un système de télémonitoring ou de la téléconsultation peut avoir un intérêt puisque l’interprétation du résultat reste du rôle du professionnel. Dans ce contexte, il s’agit d’automesure et non pas d’autogestion. Par exemple, en cas de pathologie aiguë pulmonaire ou cardiaque, une SpO2 inférieure à 92 % participe aux critères d’hospitalisation, ou chez le nourrisson porteur de bronchiolite une SpO2 inférieure à 94 % est un signe de grav
Conclusion sous forme de notions clés
L’oxymètre de pouls est un instrument incontournable pour les professionnels de santé.
- Son intérêt premier est d’écarter une hypoxémie.
- En cas de Covid, la surveillance de la SpO2 permet de détecter l’hypoxémie prédictive d’une évolution défavorable.
- Une compréhension insuffisante des résultats de SpO2 peut être à l’origine de décisions inadaptées.
- Le conseil d’usage d’un oxymètre de pouls doit obligatoirement être associé à une éducation thérapeutique.
- Pour une personne saine, la mesure de l’oxymétrie au moyen d’une montre connectée dans n’importe quelle circonstance n’a pas de sens médical.
- Chez les sportifs, l’automesure de l’oxymétrie réalisée dans une intention performative, n’est qu’une illusion sanitaire.
- Contrairement au thermomètre ou la balance, l’oxymètre de pouls n’a pas sa place dans l’armoire à pharmacie familiale.
Référence : Baud, D., Postel-Vinay N. Utilisation d’un oxymètre de pouls au domicile par les patients en vue d’une autogestion. Pertinence, difficultés et mésusages. Rev Med Suisse. 2022; 8 (785): 1173–1176.
Pour accéder à l’article complet cliquez ici :
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Qu’en penser ?
Un oxymètre de pouls connecté pour les asthmatiques ? Non merci
Les oxymètres de pouls sont en vente libre. Certains sont connectés et des publicités en vantent l’utilité pour la surveillance des crises d’asthme. Ce n’est pas probablement une bonne idée car ils manquent de fiabilité dans cette indication. Une crise d’asthme grave peut mettre un patient en danger avant que la saturométrie en oxygène ne baisse. Au total, l’équipe médicale d’automesure.com déconseille l’utilisation des oxymètres de pouls pour l’autosurveillance de l’asthme (lire plus haut)
Pour en en savoir plus voir notre article paru dans Info Respiration Accès à l’article
Comment et pourquoi acheter un oxymètre de pouls ?
Lire l’article Info Respiration N° 109 juin 2012
Oxymètres de pouls: secouristes et patients s’emparent du sujet sur les forums Internet
Lire l’article Info Respiration N° 109 juin 2012
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actualisation Septembre 2022