Informations sur les troubles de la mémoires pour les professionnels de santé

Faut-il une évaluation médicale pour les patients se plaignant de leur mémoire, même après 80 ans ?

Oui. Il faut éviter de rassurer hâtivement une personne âgée qui se plaint de sa mémoire, sans avoir fait une évaluation clinique précise incluant une évaluation rapide des fonctions cognitives. Les effets du simple vieillissement sur la mémoire sont relativement modérés. Ils n’expliquent pas l’existence de troubles de la mémoire gênant la vie quotidienne.

Est-il possible d’évaluer la mémoire d’un patient en milieu non spécialisé ?

Oui. Il est possible de réaliser une évaluation précise de la mémoire et de donner au patient des conseils pertinents en consultation de médecine générale. Pour la réaliser en un temps limité l’interrogatoire et l’examen clinique recherchent :

  • la prise de médicaments
  • des troubles de l’humeur
  • une atteinte cérébrovasculaire ou neurologique
  • des anomalies des fonctions cognitives

Points clés à rechercher et les réponses :

– A) Le patient prend-t-il des médicaments pouvant perturber la mémoire ?
Le professionnel recherche la prise de benzodiazépines et apparentés, de neuroleptiques et de médicaments ayant des propriétés anticholinergiques.

– B) Le patient a –t-il des troubles de l’humeur qui peuvent interférer sur sa mémoire, telle une dépression ou des troubles anxieux ?
Le professionnel doit recueillir les antécédents. L’interrogatoire recherche des symptômes dépressifs ou anxieux. Il faut systématiquement poser des questions au patient, car certains d’entre eux ne parlent pas spontanément de leurs difficultés. Il faut notamment rechercher une humeur triste, une perte d’intérêt, une modification du poids, des troubles du sommeil, une perte d’énergie, des sentiments de culpabilité ou de dévalorisation, des pensées de mort.

– C) Y a-t-il des symptômes « suspects » qui peuvent faire craindre une démence ?
Certaines situations ou symptômes doivent inciter à recherche un syndrome démentiel :
• la personne concernée a plus de 70 ans
• les difficultés de mémoire se sont majorées au cours des derniers mois ou semaines
• la personne concernée a besoin de l’aide d’une autre personne pour accomplir certains gestes de la vie quotidienne, comme gérer son budget, utiliser le téléphone, se déplacer et prendre les transports en commun, gérer la prise de ses médicaments
• la personne concernée minimise ses difficultés de mémoire ou les nie, alors qu’elles sont perçues comme importantes par l’entourage familial/amical
• le comportement de la personne concernée a changé
• la personne concernée prend plusieurs médicaments, ou a fait des chutes, ou a maigri récemment sans suivre de régime
• la personne concernée a eu un accident vasculaire cérébral ou est atteinte d’une maladie neurologique (maladie de Parkinson ou autre).

– D) Y a-t-il une maladie cérébrovasculaire ou une maladie neurologique autre ?
Le professionnel recueille les antécédents et procède à un examen physique.

– E) L’évaluation rapide des fonctions cognitives est-elle anormale ?
Pour répondre à cette question, il faut réaliser un test rapide pour évaluer les fonctions cognitives. Le plus classique est le test du Mini Mental Status Examination qui comporte 18 questions ou épreuves et peut être réalisé en 15 mn environ. Le test CODEX est réalisable en 3 minute, le test des 5 mots est également de réalisation simple. (Pour en savoir plus, voir la rubrique tests).

Que conseiller au patient au terme de l’évaluation ? (quatre cas de figures)

A) Une cause probable est trouvée
En cas d’utilisation de médicament pouvant perturber la mémoire, conseiller un arrêt si cela est possible. Attention, s’il s’agit de benzodiazépines utilisées depuis plus de 30 jours, il faut les arrêter de façon progressive (pas de sevrage brutal). En cas d’épisode dépressif majeur ou de trouble anxieux généralisé, il faut entreprendre une prise en charge spécifique, si besoin avec l’aide d’un psychiatre. Les traitements font appel à des psychothérapies et/ou des médicaments antidépresseurs, le plus souvent de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. Dans ces deux cas de figure, il faut revoir le patient à distance (2 ou 3 mois par exemple) pour voir si les symptômes se sont amendés et pour refaire une évaluation cognitive.

B) Le test d’évaluation cognitive est anormal
Il faut orienter le patient vers une consultation spécialisée, idéalement vers une consultation mémoire où vous obtiendrez une évaluation approfondie des fonctions cognitives et l’avis d’un médecin spécialisé. Il est possible à ce stade de prescrire une imagerie cérébrale (IRM cérébrale, ou en cas de contre-indication ou d’accès difficile, un scanner cérébral) qui sera utile pour l’évaluation spécialisée. L’objectif premier du bilan spécialisé est le suivant : y a-t-il une démence, et si oui, de quelle origine ?

C) Le test d’évaluation cognitive est normal :
Il est possible de rassurer le patient quant à son état actuel. Il est très important de revoir le patient à distance pour une nouvelle évaluation cognitive, par exemple à 6 mois, ou bien avant si les symptômes venaient à se majorer. Cela est particulièrement important si le patient a une maladie neurologique et/ou des symptômes « suspects ». En effet, les tests d’évaluation rapide des fonctions cognitives peuvent parfois être pris en défaut (faux négatifs, maladie vue au stade très débutant). Dans ces cas, l’évaluation à six mois permet de rectifier la stratégie de prise en charge.

D) Le test d’évaluation cognitive n’est pas réalisable :
Il peut s’agir de problèmes sensoriels (vision audition) qu’il faut prendre en charge. Il peut s’agir de patients comprenant ou parlant mal le français. Il peut aussi s’agir de patients ne souhaitant pas coopérer par refus ou dans le cadre de problèmes psychiatriques. Dans ces cas, le recours aux centres spécialisés doit être fait au cas par cas.


Auteur : Professeur Joël Belmin.
Service de gériatrie et Consultation mémoire, Hôpital Charles Foix, Ivry-sur-Seine, contact mail automesure.com® Rédaction Janvier 2009