Autoquestionnaire sur les risques de thrombose liés à la contraception œstroprogestative : faire participer les femmes  (Information pour les professionnels de santé)

La contraception orale à base d’oestrogène et de progestatif présente des avantages et des risques. Comme pour tous les médicaments – (et la pilule est bien un médicament ce qu’on oublie parfois au motif que les femmes recherchant une contraception ne sont pas des « malades ») –  la décision d’une prescription suppose une analyse du rapport bénéfice/risque. Le bénéfice attendu (pas de grossesse non désirée) étant constant, ce rapport s’avère plus favorable dès qu’on diminue les risques.

Il est possible de diminuer les risques d’effets indésirables et d’accidents de la contraception orale en respectant les contre indications et en repérant les situations potentiellement problématiques. Ceci passe par une bonne information des personnes, un interrogatoire de qualité fait par le professionnel (fondé sur les informations données par la personne concernée) et un bilan biologique et clinique (avec notamment mesures de la pression artérielle et calcul de l’indice de masse corporelle). Autant dire que la prescription d’une pilule contraceptive exige un minimum de temps, d’autant plus qu’il faut aider la personne dans le choix de son mode de contraception (qui est susceptible de correspondre à ses besoins particuliers et ne se résume pas à la pilule). Pour être de qualité, cette démarche implique donc conjointement femmes et soignants. On aurait tort de considérer que la sécurité d’une prescription dépend exclusivement du médecin signant l’ordonnance.

Impliquer les personnes dans la prise en charge de leur santé, c’est l’objectif général que poursuit l’équipe médicale du site automesure.com. Concrètement nous avons conçu un autoquestionnaire en ligne pour rapprocher soignées et soignants. Encore faut-il choisir des questions pertinentes et savoir ne pas poser des questions ambigües ou sans intérêt. Un autoquestionnaire délivré par Internet ne prétend pas atteindre la richesse d’un classique interrogatoire médical en présence de la personne, mais il est peut s’avérer utile pour préparer la consultation(1). Dans le cas présent, les questions ont été choisies en fonction des données de la littérature scientifique.

Questions sur les antécédents de phlébite ou d’embolie pulmonaire.

Elles se justifient par le risque de thromboses veineuses liées aux oestrogènes. Ce risque a été notamment documenté par une cohorte danoise portant sur huit millions (8 010 290 précisément) de femmes âgées de 15 à 49 ans et suivies entre 2001 et 2009 (2). D’après l’analyse de 4 246 accidents thrombotiques recueillies chez ces femmes (non enceintes, sans antécédent de maladie thrombo-embolique et n’ayant pas subi d’opération chirurgicale un mois avant l’inclusion dans l’étude), le risque relatif relié aux différents types de pilules varie de 1,57 à 5,66 (voir tableau détaillé ci dessous). Pour les pilules avec progestatif seul, ce risque est bien inférieur, variant de 0,56 à 0,83.

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Comme l’indique la Haute Autorité de santé, en termes de risque absolu, le risque veineux chez la femme en bonne santé sans autre facteur de risque, est d’environ 0,02 % par an avec les contraceptifs de première et deuxième génération. Il passe à 0,04 % par an (soit 4 accidents par an au lieu de 2 pour 10 000 utilisatrices) avec le pilules de troisième génération (3). Ce risque d’événements thrombo-emboliques veineux liés aux contraceptifs oestro progestatifs est maximal dans les 12 premiers mois et diminue avec la durée de prise de la contraception. L’administration de l’auto questionnaire est donc encore plus importante lors des premières prescriptions de pilule.

Questions sur le risque artériel

Les questions portant sur les antécédents d’accidents artériels (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) se justifient par le sur-risque apporté par la contraception oestroprogestative. Une méta-analyse sur ce sujet pour toutes sortes de pilules confondues, évalue le risque relatif à 1,7 pour l’atteinte coronaire et 1,8 pour le risque d’accident vasculaire cérébral (4). Ces deux événements restent très rares chez les femmes jeunes dans les pays occidentaux, et le risque augmente proportionnellement à l’âge (5).

Questions sur la connaissance de la pression artérielle et du cholestérol

L’impact délétère de la contraception orale peut être augmenté en présence d’autres facteurs de risques jouant sur le risque artériel ou veineux. C’est pour cela que notre questionnaire porte également sur le tabagisme et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires et les antécédents familiaux et personnels dont l’importance est démontrée (pour en savoir plus sur le risque cardiovasculaire, voir notre rubrique dédiée à ce sujet )

Le tabac

L’association pilule et tabac est particulièrement délétère, et le tabagisme – même sans contraception – est évidemment très dangereux en soi. L’autoquestionnaire insiste sur ce point et entame le dialogue sur la motivation à l’arrêt. Le souhait de contraception doit être un déclencheur d’aide au sevrage tabagique pour les jeunes femmes fumeuses et on doit rappeler que même un conseil minimal a démontré son impact (6)
Sur le site automesure.com, les fumeurs peuvent auto évaluer leur dépendance

Les voyages en avion et les immobilisations

Le risque de thrombose veineuse est accru par les immobilisations. L’interrogatoire peut non seulement porter sur les antécédents, mais aussi être l’occasion de vérifier que les personnes connaissent les mesures de prévention des phlébites (anticoagulation préventive pour les immobilisations prolongées, port de bas ou chaussettes de contention dans les vols long courriers, etc). De même, les signes de phlébite reconnus tôt par la personne elle elle-même (par exemple devant un mollet douloureux et/ou enflé) permettent un diagnostic précoce qui ouvre l’accès à un traitement anticoagulant avant le stade d’embolie pulmonaire grave. L’auto diagnostic fait partie de la réduction des risques.

Le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC)
Le calcul de l’indice de masse corporelle fait l’objet d’une information plus complète sur notre site à la page dédiée

Migraine : elle n’est pas évoquée systématiquement dans l’auto questionnaire

Certaines publications font état d’un sur risque d’accident vasculaire cérébral en cas de migraine, mais toutes les études ne sont pas univoques à ce sujet. Le sujet reste débattu notamment en raison de la faiblesse du risque (7). Selon une méta-analyse, le risque relatif serait de 1,7. Par rapport aux hommes, l’usage de contraceptif avec le tabagisme augmente le risque (8). Les migraines avec aura (voir la note) seraient plus péjoratives avec un risque relatif de 2,16. Ceci précisé, la question « avez-vous des migraines » parait potentiellement source de confusion lorsqu’elle est posée par Internet. En effet, la personne peut ne pas savoir faire la différence entre céphalées et migraines, ou ne pas connaitre la notion de migraine avec aura. Compte tenu de la très grande fréquence du symptôme « céphalées » en population générale, une question spécifique à la migraine dans un autoquestionnaire risque de ne pas générer une réponse fiable. Il revient donc au médecin au moment de la consultation d’aborder ce sujet, le cas échéant. Rappelons que l’ANSM cite les antécédents de « migraine avec signes neurologiques focalisés parmi les contre indications à la contraception oestroprogestative » (9).

Risques et contraception orale : lire le Rapport de l’Académie Nationale de médecine

1- Résumé
2- Texte intégral
Nous remercions l’Académie Nationale de Médecine de nous avoir autoriser à publier son Rapport.


Rédaction équipe médicale automesure.com (Docteur Nicolas Postel-Vinay, Hôpital européen Georges Pompidou – Paris. Professeur Joël Ménard – santé publique Université René Descartes. Paris). Mars 2013.Sources :1. Bachmann J W. The patient-computer interview: a neglected tool that can aid the clinician. Mayo Clin Proc 2003; 78: 67-78.
2. Øjvind Lidegaard, Lars Hougaard Nielsen, Charlotte Wessel Skovlund, Finn Egil Skjeldestad, Ellen Løkkegaard. Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and oestrogen doses: Danish cohort study, 2001-9. BMJ 2011;343:d6423 doi: 10.1136/bmj.d6423
3. Haute autorité de santé (novembre 2012). Bon usage du médicament.  Contraceptifs oraux estroprogestatifs : préférez les « pilules » de 1ère ou 2ème génération. Pour lire cette fiche – cliquez ici.
4. Geneviève Plu-Bureau, Justine Hugon-Rodin, Lorraine Maitrot-Mantelet, Marianne Canonico. Hormonal contraceptives and arterial disease: An epidemiological update. Best Practice & Research Clinical Endocrinology & Metabolism 27 (2013) 35–45.
5. Au sujet du risque artériel voir aussi les données de la cohorte danoises : Lidegaard O. NEJM 2012 366: 2257-2266
6. Arrêt de la consommation du tabac – Conférence de consensus – Paris, Hôpital Pitié-Salpétrière – 8 et 9 octobre 1998 – ANAES
7. Alan J Petrie. Migraine and risk of stroke. Misleading relative risks? BMJ 2009;339:b4842
8. Markus Schürks, Pamela M Rist, Marcelo, E Bigal, Julie E Buring, Richard B Lipton, Tobias Kurth Migraine and cardiovascular disease: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2009 Oct 27;339:b3914. doi: 10.1136/bmj.b3914.
9. ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Février 2013. Extrait du RCP d’une pilule estroprogestative de 3ème génération. Voir la liste